• J'étais persuadé que quelque chose cédait, là, à ce moment précis où la lumière filtrée à travers les volets dessinait des lignes distinctes sur ses bras graciles mais fermes. Le schéma n'était pas logique, tardant dans la durée, je ne savais ce qu'il espérait, ce qu'il attendait, repoussant chaque mèche de cheveux couvrant mon visage, il me maintenait, avec plus de douceur qu'habituellement. J'aurais pu fuir, détacher mon regard du sien, pénétrant, tenter de le repousser en vain. Il m'embrassait, caressant mes joues, mes bras, sans forcément s'appliquer à me déposséder de mes vêtements, dans la fureur coutumière de ses gestes. Il m'observait, d'en haut, je prenais ses lèvres pour éviter ces moments cruciaux, éprouvant, ceux où il cherche à entrevoir derrière la devanture. L'impatience laissait place à la gêne, inconnue. Moment que les yeux ne peuvent percevoir, intérieur, décisif. En temps normal, j'aurais attendu cet instant avec bouillonement, douce torture, sentir le puzzle se décomposer puis se rajuster d'une autre manière, plus forte, à première vue indestructible. Savoir, intimement, la métamorphose qui s'opère. Sauf que. Le trouble était palpable. Antérieurement, le passage, le vide devant le précipice s'était engendré sans crainte, naturellement. Formulations insipides, messages naïfs -adolescents- jouir de mots dont on ne sait la réelle signification. Ici tout est différent. Le rapport intrinsèque, absurdement éloigné, antithèse d'un rapport au corps fusionnel, sans précédent. Je ne désire pas actionner le mécanisme maintenant, je ne sais même pas si je souhaite réellement le mettre en mouvement un jour, faute de savoir, je me maintiens à distance, en dedans. J'aimerais savoir si, à défaut d'agir comme antérieurement, relations factices basées sur des échanges supposés, cela signifie-t-il l'arrivée de quelque chose, autre. Un nouveau rapport à autrui, à l'autre, à Lui.

     

     

     


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  • Les volutes de fumée dansent dans la pièce close. Soupirs étouffés résonnant tandis que les peaux s'accrochent entre elles, que ses yeux cherchent les miens, que ses doigts encerrent mes bras, que la douleur murmurée se fasse jouissance passive. Toujours sur la brèche, la violence sourde éclatant par moments diffus, piégée. Les mots se dessinent par gestes, bouches closes, côte à côte. Projections dans un futur auquel je ne crois pas. L'odeur âcre s'imprégnant sur les vêtements jêtés à terre, éparpillés comme les esprits clos. La fumée épaisse s'élevant, mains sales cherchant au plus profond d'un corps tendus par l'ivresse. Elliott Smith résonne, présence occultée qui rassure face au silence génânt, agressif. Face à face. Enfin.


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  • Je suis terrifiée. La peur au ventre de ce qu'il pourrait advenir, après, comme un saut dans le vide, non désiré. La peur mêlée à l'excitation de ne pas avoir d'avenir, de ne pas réussir à « construire ». J'ai toujours eu des objectifs, plus ou moins concrets, ou plus ou moins idiots (comme celui, ridicule, d'avoir voulu faire des études de littérature, naïveté débordante que je regrette amèrement à présent). Aujourd'hui il faut savoir choisir, conserver ses valeurs, ses passions, ou les perdre au détriment d'avoir une situation. Celle que je n'aurai jamais, car, au final, je n'ai jamais réellement pu poser, ne serait-ce que des contours, sur ce qu'elle pourrait représenter. Etre ici, seule, échappée de toute cette ambiance poisseuse et vomitive des amphis désertés de ma fac. Etre ici m'a ouvert les yeux quant au désir, absurde et grotesque, profondément adolescent, de ne pas revenir. Rester, partir ailleurs, peu m'importe, mais ne pas réintégrer cette atmosphère qui me rend nauséeuse. Je suis toujours dans le flou et le serais-je probablement toute ma courte vie, mais aujourd'hui je suis persuadée que ma vie ne se fera pas là-bas, avec et parmi eux.

    C'est en l'observant, lui, ses amis, tous ayant désertés leur lieu d'enracinement antérieur, s'échappant, c'est en écoutant leurs mots malhabiles que j'ai formulé ce trouble intérieur, sans fond, effrayant. Avancer, la peur toujours coincée, au bord des lèvres, mais avancer.

    C'est en parlant, lui possédant déjà un statut, l'écoutant me dire combien il gerbait tout ça, se fondre pour espérer être enfin quelqu'un. Une sorte d'apaisement nébuleux, faussé. Celui que j'espère depuis tant d'années, au détriment de ce que je désire, réellement. Lui cherchant une porte de sortie, s'accomplir, d'une autre manière. Et moi cherchant vainement une porte d'entrée, puis m'enfuir, au plus vite.

    Je ne sais ce qu'il représente pour moi, à l'heure actuelle. Je sais que lui aussi est terrifié, l'admettant même parfois, se rétractant ensuite, jouant sur les mots. Toujours cette difficulté à communiquer, difficulté d'un langage que nous ne maîtrisons pas.  L'écouter me blesser, par inadvertance peut-être. Ou intentionnellement. Attendre la tombée du jour avec excitation, feindre la distance face aux autres, face à lui. Le sentir languir sous mes doigts. Se sentir être, simplement.


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  • Et c'est ailleurs, dans un autre temps, que je me rends compte de la nécéssité, subite, que j'ai eu de tout lâcher. Un jour de septembre, Red eyes and Tears, où j'avais su. Je voyais ses regards dirigés vers elle, celle qui lui procurait une satisfaction corporelle vaine, celle là même qu'il avait tant espéré avec moi. C'est là, touchant son bras insipide, seule devant eux deux, respirant un mensonge fin, une fade utopie sentimentale, que j'avais tout formulé, intérieurement. Dans un an, je ne verrais plus.

    Novembre. Espagne. Bien après. Seule, entourée, sans limites fixes. Lieux exigus, Botellon, eux, tous. A l'ombre de la sourde lumière se détachait son visage perdu, observant son verre translucide. Tentatives avortées afin de tisser un lien incertain au milieu de la mascarade des corps, monosyllabes, affaire classée. La nuit s'étendait, pâle et enfumée dans un bar quelconque après l'invitation d'une voisine à déserter l'appartement, sous peine d'appels incessants à la Guardia Civil car trop de bruit, trop d'alcool, trop d'âmes déchantantes. Bar surbondé, Vodka, litres, Lui est là, je ne suis pas loin, j'attends, je sais. Déshininbés par la multitude de verres, nous commençons à parler, bribes d'un Espagnol scolaire dont je ne me souviens pas ou très peu. Nous échangeons nos verres, ses cheveux bruns brillent à la lueur des néons sales. F. approche la trentaine, mais porte toujours sur lui cette fausse naïveté adolescente qui lui fait paraître bien cinq années de moins. Je le dévore de mes yeux rendus brillants par l'alcool, il m'embrasse lentement, la musique résonne, mon verre s'explose sur le sol. Il me sourit, me caresse la joue, et on partons nous enfermer dans un autre lieu obscur. Ne sais pas comment j'ai pu arriver au milieu de la piste de cet autre bar, toujours un verre dans la main (le même ?), s'embrassant avec violence au milieu de tous ces autres corps aux yeux demi-clos qui bougent au ralenti, comme sacadés. Seule la musique restera gravée en mémoire, comme ces lèvres entrouvertes cherchant au plus profond, ses mains parcourant mes lignes de jeune fille nubile, souhaitant se jeter à corps perdu dans le puit obscur du désir. Il fait jour quand nous passons la porte du lieu de perdition où j'aurais pu passer le reste de ma vie, tant j'étais bien, malmenée par l'ivresse. Chez lui nos corps s'entrelaçent, sa peau mate porte en elle l'odeur du sable, de l'Italie dont il est originaire. Ma peau d'albâtre contraste, comme toujours, celle dont il suit les courbes qui n'existent pas, ou si peu. Ses yeux cachent une violence sourde, prête à jaillir, auquel je m'accroche, décuplant les sensations entérées par les abus de la nuit passée. Toujours sur la brêche, ne sachant quand cette force latente explosera par chaque pore, muette, espérant, j'accroche mes lèvres à son cou, lui au mien.    

    Janvier. J'aime les marques qu'il laisse sur ma peau, après chacune des courtes nuits que nous passons ensemble. Le jour n'existe pas pour nous, seulement la nuit tombée, dans la plénitude des draps et des vêtements éparpillés. Je ne prétends rien, je ne sais pas, nos relations déjà compliquées par une langue que nous ne partageons pas. C'est la première fois que je ne détruis pas tout avec des scénarios imaginaires et contrastés. Je n'aspire à rien, juste à sa peau contre la mienne. Je ne sais pas ce que lui pense, je ne le souhaite pas. Juste cette fusion corporelle, lui cherchant à percer un esprit insondable, la force et l'autorité sous-jacente de ses mains, la pression physique qu'il exerce contre mes hanches, son souffle contre mon ventre. Nous parlons peu, mais bien. Je n'ai jamais aimé m'épancher, lui non plus, nous restons allongés, partageons plusieurs joints, nous embrumant. Et nous baisons une autre fois.


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