• Je suis terrifiée. La peur au ventre de ce qu'il pourrait advenir, après, comme un saut dans le vide, non désiré. La peur mêlée à l'excitation de ne pas avoir d'avenir, de ne pas réussir à « construire ». J'ai toujours eu des objectifs, plus ou moins concrets, ou plus ou moins idiots (comme celui, ridicule, d'avoir voulu faire des études de littérature, naïveté débordante que je regrette amèrement à présent). Aujourd'hui il faut savoir choisir, conserver ses valeurs, ses passions, ou les perdre au détriment d'avoir une situation. Celle que je n'aurai jamais, car, au final, je n'ai jamais réellement pu poser, ne serait-ce que des contours, sur ce qu'elle pourrait représenter. Etre ici, seule, échappée de toute cette ambiance poisseuse et vomitive des amphis désertés de ma fac. Etre ici m'a ouvert les yeux quant au désir, absurde et grotesque, profondément adolescent, de ne pas revenir. Rester, partir ailleurs, peu m'importe, mais ne pas réintégrer cette atmosphère qui me rend nauséeuse. Je suis toujours dans le flou et le serais-je probablement toute ma courte vie, mais aujourd'hui je suis persuadée que ma vie ne se fera pas là-bas, avec et parmi eux.

    C'est en l'observant, lui, ses amis, tous ayant désertés leur lieu d'enracinement antérieur, s'échappant, c'est en écoutant leurs mots malhabiles que j'ai formulé ce trouble intérieur, sans fond, effrayant. Avancer, la peur toujours coincée, au bord des lèvres, mais avancer.

    C'est en parlant, lui possédant déjà un statut, l'écoutant me dire combien il gerbait tout ça, se fondre pour espérer être enfin quelqu'un. Une sorte d'apaisement nébuleux, faussé. Celui que j'espère depuis tant d'années, au détriment de ce que je désire, réellement. Lui cherchant une porte de sortie, s'accomplir, d'une autre manière. Et moi cherchant vainement une porte d'entrée, puis m'enfuir, au plus vite.

    Je ne sais ce qu'il représente pour moi, à l'heure actuelle. Je sais que lui aussi est terrifié, l'admettant même parfois, se rétractant ensuite, jouant sur les mots. Toujours cette difficulté à communiquer, difficulté d'un langage que nous ne maîtrisons pas.  L'écouter me blesser, par inadvertance peut-être. Ou intentionnellement. Attendre la tombée du jour avec excitation, feindre la distance face aux autres, face à lui. Le sentir languir sous mes doigts. Se sentir être, simplement.


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  • Et c'est ailleurs, dans un autre temps, que je me rends compte de la nécéssité, subite, que j'ai eu de tout lâcher. Un jour de septembre, Red eyes and Tears, où j'avais su. Je voyais ses regards dirigés vers elle, celle qui lui procurait une satisfaction corporelle vaine, celle là même qu'il avait tant espéré avec moi. C'est là, touchant son bras insipide, seule devant eux deux, respirant un mensonge fin, une fade utopie sentimentale, que j'avais tout formulé, intérieurement. Dans un an, je ne verrais plus.

    Novembre. Espagne. Bien après. Seule, entourée, sans limites fixes. Lieux exigus, Botellon, eux, tous. A l'ombre de la sourde lumière se détachait son visage perdu, observant son verre translucide. Tentatives avortées afin de tisser un lien incertain au milieu de la mascarade des corps, monosyllabes, affaire classée. La nuit s'étendait, pâle et enfumée dans un bar quelconque après l'invitation d'une voisine à déserter l'appartement, sous peine d'appels incessants à la Guardia Civil car trop de bruit, trop d'alcool, trop d'âmes déchantantes. Bar surbondé, Vodka, litres, Lui est là, je ne suis pas loin, j'attends, je sais. Déshininbés par la multitude de verres, nous commençons à parler, bribes d'un Espagnol scolaire dont je ne me souviens pas ou très peu. Nous échangeons nos verres, ses cheveux bruns brillent à la lueur des néons sales. F. approche la trentaine, mais porte toujours sur lui cette fausse naïveté adolescente qui lui fait paraître bien cinq années de moins. Je le dévore de mes yeux rendus brillants par l'alcool, il m'embrasse lentement, la musique résonne, mon verre s'explose sur le sol. Il me sourit, me caresse la joue, et on partons nous enfermer dans un autre lieu obscur. Ne sais pas comment j'ai pu arriver au milieu de la piste de cet autre bar, toujours un verre dans la main (le même ?), s'embrassant avec violence au milieu de tous ces autres corps aux yeux demi-clos qui bougent au ralenti, comme sacadés. Seule la musique restera gravée en mémoire, comme ces lèvres entrouvertes cherchant au plus profond, ses mains parcourant mes lignes de jeune fille nubile, souhaitant se jeter à corps perdu dans le puit obscur du désir. Il fait jour quand nous passons la porte du lieu de perdition où j'aurais pu passer le reste de ma vie, tant j'étais bien, malmenée par l'ivresse. Chez lui nos corps s'entrelaçent, sa peau mate porte en elle l'odeur du sable, de l'Italie dont il est originaire. Ma peau d'albâtre contraste, comme toujours, celle dont il suit les courbes qui n'existent pas, ou si peu. Ses yeux cachent une violence sourde, prête à jaillir, auquel je m'accroche, décuplant les sensations entérées par les abus de la nuit passée. Toujours sur la brêche, ne sachant quand cette force latente explosera par chaque pore, muette, espérant, j'accroche mes lèvres à son cou, lui au mien.    

    Janvier. J'aime les marques qu'il laisse sur ma peau, après chacune des courtes nuits que nous passons ensemble. Le jour n'existe pas pour nous, seulement la nuit tombée, dans la plénitude des draps et des vêtements éparpillés. Je ne prétends rien, je ne sais pas, nos relations déjà compliquées par une langue que nous ne partageons pas. C'est la première fois que je ne détruis pas tout avec des scénarios imaginaires et contrastés. Je n'aspire à rien, juste à sa peau contre la mienne. Je ne sais pas ce que lui pense, je ne le souhaite pas. Juste cette fusion corporelle, lui cherchant à percer un esprit insondable, la force et l'autorité sous-jacente de ses mains, la pression physique qu'il exerce contre mes hanches, son souffle contre mon ventre. Nous parlons peu, mais bien. Je n'ai jamais aimé m'épancher, lui non plus, nous restons allongés, partageons plusieurs joints, nous embrumant. Et nous baisons une autre fois.


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  • Et hier était presque une bonne journée. J'ai ri, j'ai attendu (in)lassablement la fin de 3h et demi de cours, j'ai mangé sans avoir véritablement faim, j'ai détaillé sans avoir pris la peine de m'observer, antérieurement, j'ai causé cinéma sans avoir vu les films cités et j'ai tenté de travailler, sans le faire, réellement.

    Je n'ai pas la prétention d'être, plus que tout, juste celle de désirer, plus que les autres. Pour convoiter il est indispensable d'être, je suis donc conditionnée pour posséder. Par extension.

    L'angoisse de lui adresser la parole est féroce et inéluctable. Cela faisait longtemps que je n'avais pas été intimidée par la seule présence d'un inconnu qui semble, aux yeux de tous, transparent et nébuleux. Je me morfonds en attendant le jour où je ne serais plus tiraillée par l'appréhension.

    Un jour de mai opaque, A. lui avait confié que la notion qui la représentait le mieux était celle du doute. Elle avait alors cru intéréssant d'utiliser cet adjectif au cours d'un entretien d'embauche durant lequel on lui posa une question -profondément idiote, parmi d'autres-  " Quels sont vos défauts ? ". Elle n'avait pas été embauchée.

    Les deux jours suivants seront comme les autres. Je resterai assise, me coulant à l'intérieur d'un fauteuil inconfortable me remémorant des sujets qui n'ont que peu ou pas d'interêt. J'adulerai Marc-Edouard Nabe pour son aptitude à l'écriture et non seulement à la provocation. J'attendrai, quelque chose. Je regarderai les aiguilles tourner, perdrai mon temps, car, au fond, cela me plait. Je ressasserai des événements qui n'auront jamais eu lieu, je l'entendrai, visualiserai ses membres graciles par le bout des doigts.

    J'observerai par la fenêtre des feuilles mortes, trouées par le temps.

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  • La seule pensée, actuelle, est celle de la raison pour laquelle j'avais effacé cet espace. Elle ne parait que trop claire, trop nette. Futile aussi. Raisons obscures qui m'avaient poussé à tout supprimer, d'un coup, un éclat lumineux. Comme à chaque fois, une poussé d'adrénaline furtive. Mai, avril peut-être. Là où tout se nouait, le commencement de quelque chose. Ou la fin d'un vide indéterminé. D'où l'arrêt de la rédaction de ces notes qui me tenaient tant à cœur. Et qui me tenaient aussi, tout court.
    Aujourd'hui je ne sais plus grand chose. Cette phrase est absurde, car je ne me rends compte que trop tard que je n'ai jamais rien su. Si seulement. Comme souvent.
    Il y a deux ans et quelques, ici même, je narrais ma peur, de l'avenir, des autres, ma peur d'être, d'être seule et le désir inexplicable de tenir les mains d'autrui, d'un double masculin, d'un corps fluide et profondément lasse. J'ai alors cru avoir décelé ce miroir vain, celui là même que l'on aimerait se tendre, et où l'on désirerai ardemment se retrouver, ailleurs.
    Je me suis blotti dans ces cheveux sentant le shampooing bon marché, me suis protégé, de moi-même, toujours. Persuadée de la véracité de mes sentiments, y croire, trop. Les calculs savants, quelle date choisir, comment mais surtout pourquoi ? La peur de la solitude antérieure n'était que trop présente, elle était nouée aux cœur des entrailles, là où devait être niché l'amour que j'éprouvais pour lui. Ce n'était pas un autre que j'espérais tant, en lui-même, juste une présence domptable qui puisse déguiser l'angoisse.
    Je ne sais pas pourquoi je narre tout cela, ici, je ne regrette pas le début, ni la fin, ni ma situation présente.
    Juste d'observer que tout me rattache à ce blog, que je le veuille ou non. Tout me raccroche à une époque qui semble lointaine mais qui apparaît parallèlement si proche. C'est déconcertant. Je ne sais s'il faudrait m'en réjouir ou en pleurer, ce n'est pas la question. Du moins pas la bonne.
    La peur de l'avenir est toujours là, ne pas savoir. Deux ans auparavant, je croyais que mon entrée à l'université serait idyllique, j'attendais, le jour où je pourrais avoir une liberté feinte. Un faux désir de pseudo-indépendance, celui que l'on désire tous, à l'aube de nos 17 ans. Je n'ai compris que trop tard que tout serait faussé, pire même. Je suis trop naïve, je le serai encore demain. Cela ne m'embête pas mais me dégoûte, seulement.
    Je rêve d'autre chose, l'année prochaine, tiraillée entre l'idée que mon départ se réalise vraiment ou justement qu'il soit mutilé, que l'on m'arrache, ça. Voir l'ailleurs, savoir que tout est similaire là-bas et puis voir l'ici. Non, réellement. Je n'espère pas, j'aspire.

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